« Six principes fondamentaux pour l’hôpital public de demain » | Tribune publiée par Le Monde

La crise sanitaire du Covid19 a provoqué de nombreux débats dans les médias et sur les réseaux sociaux quant aux hôpitaux publics. Ils faisaient suite à des mouvements de contestation en 2019 du fonctionnement des hôpitaux publics.
Pour fabriquer un nouveau système de santé, nous pensons qu’il faut aussi fabriquer un nouvel Hôpital public. Du fait du caractère aigu de ces débats et de la nécessité de travailler autant sur le fonctionnement de l’Hôpital public que sur de sa place dans les territoires, nous pensons que l’Hôpital public est une des premières priorités de changement.

Mathias Wargon, Guillaume Wasmer et Christophe Jacquinet sont les cofondateurs de la Fabrique de la Santé

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Durant quelques semaines, le Covid19 a provoqué un phénomène inédit.

Tous les acteurs de santé de terrain, régulateurs, logisticiens ont œuvré avec une réactivité, un dévouement et un dépassement inhabituels, dans un même objectif.

Hélas, cette communion d’intérêts a vite été perdue. Les camps se reforment entre ceux qui veulent faire du passé table rase de l’Hôpital public avec des solutions faciles et ceux qui voudraient renforcer les défauts de l’Hôpital public, attachés à leurs avantages ou leurs certitudes. Ces clivages nous apparaissent plus comme des postures de pouvoir, habituelles mais bien éloignées de la mission fondamentale de service aux patients. Celle qui a conduit à faire corps pendant cette crise avec solidarité et confraternité.

Cette intelligence collective exceptionnelle, riche d’enseignements doit être un point de départ d’un nouvel Hôpital Public. Si personne ne détient à lui seul la solution universelle face à la complexité de notre système de santé et aux contraintes considérables que ses acteurs subissent, nous pensons que le temps est venu de rassembler pour l’Hôpital Public de demain, autour de six principes fondamentaux.

1. L’Hôpital public est d’abord notre Hôpital. Il ne sera jamais une administration, ni une entreprise privée, car il est spécifique. Il a besoin de flexibilité, de capacité d’initiative et d’excellence au service des patients, de productivité et de qualité de vie au travail. Or tout dans le système actuel pousse à infantiliser l’ensemble des acteurs hospitaliers publics : des recrutements aux rémunérations, des contrôles aux normes multiples, de l’organisation interne à la gouvernance externe. Les lois et décrets en toutes ces matières ne devraient fixer qu’un cadre et un arbitre en cas de blocage. Il n’est pas question pour autant d’en faire une entreprise privée. Car il a tout autant besoins de statuts, de contrôle par l’État, d’exigence et d’éthique pour ses missions de soins, d’accompagnement de ses personnels, de recherche et d’enseignement. C’est sa spécificité qu’il faut reconnaître et valoriser.

2. L’Hôpital public a besoin de plus d’autonomie de décision. Cette autonomie doit être reconnue pour lui permettre de réaliser sa mission territoriale de soins.  C’est l’unique objectif. La création par la loi des Groupements Hospitaliers publics de Territoires (les fameux GHT !) a prouvé l’échec des hospitaliers à coopérer de façon spontanée. Cette autonomie ne doit être accordée qu’à des hôpitaux organisés en Hôpital de territoire multi-sites, avec des équipes hospitalières de territoire autant médicales et soignantes qu’administratives. Ces équipes hospitalières de territoire doivent avoir la possibilité d’agir dans des véritables bassins de vie et non dans des secteurs aux découpages plus souvent administratifs et politiques.

3. La gouvernance interne des hôpitaux doit s’exercer plus librement. Il faut mettre fin au soviétisme actuel fixant le même cadre juridique pour l’énorme APHP et le petit CH local. Stimulons la création d’équipes dirigeantes médico-administratives et laissons-leur la possibilité de décider de leur gouvernance interne. L’autonomie des décideurs est toujours productrice d’innovations et de satisfactions ! Sortons de l’opposition soignants, administratifs. Nommons simultanément des binômes de dirigeants médicaux et managériaux, et pour une même période, sur la base d’un projet commun.

4. Il faut réaffirmer l’excellence de l’Hôpital public qui a longtemps fait la force de notre système de santé. Ce choix nécessite d’accepter « moins d’hôpital pour mieux d’hôpital » et mettre fin à une gestion de la pénurie et à un service public « du pauvre ». Si on veut un service public d’excellence mondiale et offrir à tous les Français sans distinction les meilleurs médecins, soignants, équipements et bâtiments, il faut mettre fin à la dispersion des ressources et des structures. Selon nous, le maintien sur certains territoires de plateaux techniques publics et privés, parfois en concurrence y compris sur les recrutements de médecins, et sans justification de santé publique ni d’accès aux soins, est une des causes principales de l’affaiblissement de l’Hôpital public.

5. Si l’on fait ce choix d’un service public hospitalier de qualité, il faut revoir l’articulation de l’Hôpital avec les autres acteurs de santé de son territoire. Tous les hospitaliers savent que parmi les patients qui viennent à l’hôpital ou aux urgences, certains auraient dû être pris en charge dans leur parcours de soin ailleurs, certains ne devraient pas attendre leur hospitalisation, certains auraient pu être hospitalisés directement et moins longtemps parfois dans d’autres structures. Les parcours doivent être mieux organisés, et pas à partir d’un Hôpital qui se voit encore au sommet de la pyramide des soins, mais en interaction avec les autres acteurs hospitaliers et médico-sociaux, ainsi qu’avec l’offre ambulatoire de premier recours des patients. Pour cela, ces acteurs doivent s’entendre entre eux à l’échelle de leur territoire, dans un cadre juridique souple, avec des objectifs de prise en charge par parcours de soins, d’égalité des soins, et avec le soutien des ARS et des élus locaux.

6. Innovons ! L’époque appelle des changements majeurs et nous y sommes tous prêts. Démontrons par l’exemple. Aidons les pionniers, prenons le risque de se tromper, pour nous faire tous avancer.

 

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